Nous venons de vivre sur notre territoire, le Festival Nourrir Verviers, festival de la transition alimentaire sur tout l’arrondissement.

Un festival est une fête!

Nous avons donc célébré tous les acteurs qui sont déjà en chemin et rencontré aussi bien des citoyens que des élus qui se sentent concernés et souhaitent s’informer, avancer sur le sujet. De nombreuses personnes ont créé, inventé, réfléchi ensemble et participé. A nos yeux, il est important de mettre en lumière tout ce qui se passe sur notre territoire et de montrer toutes ces belles initiatives engagées dans la transition de notre système alimentaire.

Mais il nous semble aussi important de ne pas être naïf et de rester capable d’appréhender la réalité parfois difficile du terrain. Le quotidien de tous ces agriculteurs, transformateurs, porteurs de projets qui font notre alimentation aujourd’hui, n’est pas toujours rose. Le monde édulcoré des réseaux sociaux nous cache parfois cette réalité qui n’en reste pourtant pas moins présente. Alors oui, si nous préférons célébrer le positif et aller de l’avant avec la conviction qui nous anime, une fois n’est pas coutume, nous avons décidé de bousculer, voire de choquer, pour insister encore sur le fait qu’un territoire vivant, où il fait bon vivre et résilient dépend en grande partie de celles et ceux qui font son alimentation et contribuent à la beauté de ses paysages.

Pourquoi…?

Parce que c’est la réalité ; parce que nous devons parfois sortir de ce monde numérique aseptisé et où tout est beau ; parce que lorsqu’on discute avec un producteur de manière individuelle, il nous partage souvent les difficultés rencontrées (même si collectivement, il ne le fera pas… ou moins)

Parce que le citoyen doit aussi se rendre compte que le revenu du producteur/transformateur dépend directement de ses choix de consommateur ; parce que chaque année, particulièrement durant l’été, les producteurs locaux doivent faire face à des baisses de fréquentation ; que cette baisse est même plus forte que jamais en situation post covid suivie d’une crise énergétique et économique.

Parce que soutenir nos producteurs locaux c’est bien plus vertueux que de contribuer au maintien d’un système aux impacts négatifs énormes, parce qu’il est essentiel de soutenir la relocalisation de nos filières alimentaires et de se les réapproprier d’autant plus que, quand on y regarde bien, cela ne coûte pas plus cher ( découvrez l’article ) .

De - en - de fermes
mais de + en + de grandes

Onze fermes disparaissent chaque semaine en Wallonie ! Notre région a perdu la moitié de ses agriculteurs et de ses fermes en 25 ans!

Entre 1980 et 2019, le secteur agricole a perdu 68% de ses exploitations en Belgique, avec un rythme de disparition plus ou moins identique en Flandre et en Wallonie (-2% par an en moyenne). Mais, en parallèle, la taille des fermes a fortement augmenté, avec une superficie moyenne par exploitation qui a triplé sur cette période,

En 2019, on dénombrait 23.378 exploitations agricoles en Flandre (Bruxelles y compris) et 12.733 en Wallonie, soit 36.111 fermes en Belgique. En 1980, il y avait encore 113.883 exploitations agricoles en Belgique, dont 75.898 en Flandre et 37.843 en Wallonie.

Par contre, la taille moyenne des exploitations a progressé de 8,4 ha en 1980 à 26,7 ha en 2019. En Wallonie, la moyenne a respectivement grimpé de 20,7 ha à 57,6 ha.

Source https://etat-agriculture.wallonie.be/home.html

Le salaire des producteurs bien en dessous de la moyenne

En Wallonie, le revenu moyen d’un agriculteur ne représente que 44 % du revenu moyen issu d’un emploi exercé au sein d’un autre secteur économique.

Les dernières données économiques du secteur agricole publiées par le Service Public de Wallonie indiquent en effet que le revenu annuel moyen d’un agriculteur, en 2019, est de 21.131 euros bruts. A titre de comparaison, le salaire moyen d’un autre travailleur wallon, 13ème mois et pécule de vacances compris, est de 47.768 euros bruts.

Et ces différences ne tiennent pas compte du volume de travail presté par les producteurs qui atteint bien souvent les 80h/semaine… ce qui réduit d’autant le salaire horaire réel (< 5€/h)

Le blues des agriculteurs et ses conséquences dramatiques:

“Suicides d’agriculteurs, l’hécatombe silencieuse » Tel était le titre d’un article du monde en 2019 pour décrire la situation en France en précuisant  notamment que le taux de mortalité par suicide est supérieur de 28 % dans le secteur agricole par rapport à la moyenne nationale et que dans le secteur de l’élevage bovin viande, il serait supérieur de 127 % !

En Belgique, et singulièrement en Wallonie, il semble impossible de faire un état des lieux comme cela a été réalisé en France.

Comme le précise un article du Sillon Belge, le sujet chez nous “est tabou entre les tabous, comme si l’évoquer pourrait contaminer ceux qui en parlent… Le monde d’aujourd’hui sanctifie la compétitivité, l’efficacité, le rendement, la réussite, le charme, la richesse. Il faut montrer sa force, donner l’image de quelqu’un bien dans sa peau, car le regard de l’autre vous condamnera aussitôt à l’exclusion si vous baissez votre garde et exposez votre mal-être, si vous transpirez la défaite, si votre âme anéantie ne veut plus, ne peut plus lutter…” Pourtant, la réalité est sans doute fort proche de celle de nos voisins français car les symptômes à l’origine des dépressions nerveuses et des suicides sont identiques chez nous :

  • – Ne pas avoir la maîtrise son propre destin, verrouillé par un marché agricole faussé par des aides publiques.
  • – les contraintes bureaucratiques source d’un sentiment de harcèlement par l’administration, les assurances ou les banques qui apparaissent déconnectées de la réalité de l’activité des agriculteurs.
  • – une durée hebdomadaire de travail de 50 à 100% supérieure, une frontière entre vie professionnelle et vie personnelle qui est très difficile à respecter.
  • – un  sentiment d’épuisement accentué par le fait que l’exploitant agricole à la perception de ne pas être rémunéré à sa juste valeur.
  • – un sentiment d’isolement à la fois social et géographique provoqué par la suractivité professionnelle et la difficulté de parler de sa réalité avec ses proches.
  • – un agribashing de plus en plus présent qui donne la sensation d’être systématiquement dénigré et désigné coupable en particulier des maux environnementaux.
  • – un monde agricole particulièrement influencé par les normes masculines ou de virilité qui provoquent  une certaine dureté provoquant honte et culpabilité à dire que l’on est en difficulté.

Sources :
https://theconversation.com/pourquoi-tant-de-suicides-chez-les-agriculteurs-162965

https://www.parlement-wallonie.be/pwpages?p=interp-questions-voir&type=28&iddoc=98203

https://www.rtl.be/info/magazine/culture/agriculture-elevage-les-chiffres-d-une-surmortalite-par-suicide

https://www.sillonbelge.be/art/d-20190410-3T9QWJ1158100.aspx

Des légumes et des fruits à toutes saisons

Vouloir tous types de légumes et de fruits à toutes les saisons ne peut se faire qu’en multipliant les “champs de serres” tels que ceux de la région d’Alméria en Espagne, dans l’arrière pays breton ou, plus près de chez nous au Limbourg notamment.

Si quelques tunnels de maraîchage disséminés sur le territoire sont certes nécessaires pour permettre un minimum de cultures diversifiées et apportent aux maraîchers d’indéniables points positifs, faut-il pour autant en arriver à l’apparition de ces mers de plastiques ou de verres sachant que ce mode de production présente une multitude d’impacts négatifs tels que notamment:

  • La dégradation de paysages exceptionnels,
  • La perturbation importante du cycle de l’eau suite à la perméabilisation des sols,
  • Le nivellement, asphyxie et perte de fertilité des sols sur de grandes surfaces,
  • Des effet négatifs sur la santé et la biodiversité à cause de la pollution lumineuse,
  • La perturbation des pollinisateurs suite à la dégradation de leur milieu naturel,
  • Une importante pollution aux nitrates suite à la concentration des déchets de culture,

Soutenir nos producteurs locaux et consommer un maximum de saison permet d’éviter ces conséquences désastreuses pour nous et notre territoire.

Du rendement
et rien que du rendement
dans les fermes usines

Les fermes-usines sont déconnectées du territoire sur lequel elles se trouvent : la terre disponible ne suffit pas pour fournir suffisamment de nourriture aux animaux ou recycler de manière naturelle les effluents d’élevage qu’ils produisent.
Elles dépendent donc fortement des aliments importés, comme le soja dont l’augmentation de la production de soja au Brésil et en Argentine provoque la disparition de  milliers d’hectares de forêt et de nature.
Lorsqu’elles sont implantées chez nous, elles posent de nombreux problèmes également:

  • Destruction du paysage dans des zones agricoles de grande valeur. Elles dominent parfois des panoramas séculaires. Elles n’y ont pas leur place !
  • Pollution de l’eau dû à un apport excessif de nutriments d’origine agricole via les engrais organiques (déjections animales) et chimiques. Le cheptel trop important reste une cause principale du problème, résultat 30%  des masses d’eau de surface n’atteignent pas le bon état écologique en Wallonie.
  • Le bien-être des animaux est rarement garanti car ils sont généralement élevés dans des bâtiments fermés, sans accès libre à l’extérieur.
  • Une menace pour la santé car elles sont sources de particules fines dans l’air, de nuisances olfactives et sonores, mais aussi à cause de l’usage massif d’antibiotiques provoquant le développement de bactéries multi-résistantes, ce qui est problème de santé publique majeur selon l’OMS

Et encore d’autres impacts repris sur ce site.

Soutenir les petits producteurs locaux...

c’est aussi favoriser la diversité indispensable à la résilience de nos territoires et primordiale pour rééquilibrer le système alimentaire et notre équilibre à nous en tant qu’individus

Car l’agriculture industrielle, à la recherche de rendements maximum, est construite sur l’uniformité a en effet des conséquences désastreuses à bien des égards .

Basée sur la spécialisation à outrance, la monoculture,l’ intensification des productions, la maximisation de la productivité, le recours intensifs à la mécanisation et aux intrants extérieurs,les variétés génétiquement uniformes, la séparation verticale et horizontale de la chaîne de production, l’allongement de la chaîne de valeur,… elle provoque:

la dégradation généralisée des terres, de l’eau et des écosystèmes,de  fortes émission de gaz à effets de serre, la perte de biodiversité, la disparition des pollinisateurs,l’augmentation de la vulnérabilité des cultures et des élevages , des carences en micronutriments, l’augmentation de l’obésité et de maladies liées à une alimentation ultratransformée, l’épuisement des agriculteurs, la perte de contacts entre les producteurs et les citoyens, l’érosion culturelle suite à la perte de variétés de semences paysannes plus résistantes, la disparition de connaissances et savoirs faire traditionnels, l’augmentation du prix du foncier, la concentration dans quelques mains du pouvoir d’influence sur le système alimentaire, la stagnation et même l’effondrement des rendements dans un nombre croissant (24 à 39%) de zones de production, un gaspillage énorme (1kg/habitant/an en Belgique!).